Lors du référendum du 23 juin 2016, les britanniques se sont prononcés en majorité pour leur sortie de l’Union Européenne. Conformément au traité sur l’Union européenne (TUE), le gouvernement britannique a notifié, en date du 29 mars 2017, à l’Union européenne l’intention du Royaume-Uni de se retirer de l’UE.
Cette sortie a des nombreuses conséquences économiques et pratiques notamment sur vos droits de Propriété Intellectuelle. Nous faisons ici un focus particulier sur les marques.
1. Les différentes options envisagées avant le deal
Souvenez-vous, nous faisions un point en début d’été 2017 et, à cette époque le sort des marques européennes au Royaume-Uni était encore plus qu’incertain ; plusieurs options étaient alors possibles :
1. Les marques européennes et les dessins ou modèles communautaires cesseraient purement et simplement de produire leurs effets au Royaume-Uni,
2. Possibilité pour les titulaires de marques européennes et les dessins ou modèles communautaires de demander la transformation de ces droits en droits nationaux (avec ou sans réexamen par l’office britannique),
3. Transformation automatique des marques européennes et les dessins ou modèles communautaires en droits nationaux (au moment du renouvellement par exemple),
4. Ou enfin, la solution la plus souhaitable : une protection automatique sans examen ni paiement de taxes pour les titulaires de marques européennes ou de dessins ou modèles communautaires.
Toutefois, un début de réponse semblait se profiler à l’époque. En effet, la Commission Européenne opterait plutôt en faveur de l’option la plus souhaitable pour les titulaires de droits à savoir une protection automatique au Royaume-Uni sans examen ni paiement de taxes pour les titulaires de marque européennes ou de dessins et modèles communautaires.
En clair, les droits de marques ou de modèles européens enregistrés avant ou pendant la période transitoire (avant l’entrée effective du Brexit) continueraient à produire effet sur le territoire du Royaume-Uni, sans action du titulaire du droit. La date de dépôt et, le cas échéant, de priorité et/ou d’ancienneté seraient évidemment conservées.
Malgré ces avancées et compte tenu de l’incertitude qui régnait, la préconisation restait la même à l’époque : en cas d’intérêt pour le Royaume-Uni, il était conseillé de demander, en parallèle de vos demandes européennes, une protection par la voie nationale ou de désigner le Royaume-Uni dans le cadre d’une demande internationale de marque.
Après que la sortie ait été repoussée plusieurs fois, un accord de sortie a enfin été proposé par l'UE et le Premier ministre britannique Boris Johnson en octobre 2019, après des mois de négociations.
2. Conséquences du deal
Ce deal a été définitivement adopté par les parlements britannique et européen en janvier 2020, juste avant le Brexit qui se produit dans la nuit du 31 janvier au 1er février.
L’accord sur le retrait du Royaume-Uni de l’UE et le cadre de la future relation entre les deux parties ont été publiés au Journal officiel de l'Union européenne du 12 novembre 2019.
Le Royaume-Uni et l'Union européenne se sont mis d'accord sur ce point dès le début de l'année 2018 : l'accord de retrait définitivement adopté en janvier 2020 instaure une période de transition, au moins jusqu'au 31 décembre 2020 (prorogeable de 2 ans).
D’ici là, le droit européen continue de s’appliquer pour les droits de Propriété Intellectuelle concernés mais, à l’issue, les droits de Propriété Intellectuelle seront régis par le droit britannique pour ce territoire.
Ø Sur le maintien des droits de marques
Le principe retenu est donc une protection automatique sans examen ni paiement de taxes pour les titulaires de marques européennes ou de dessins ou modèles communautaires (ou visés par le biais de marques ou modèles internationaux).
En conséquence, il faut s’attendre à une extraction des marques européennes avec la création d’un droit national britannique comparable, automatique et gratuit au 31 décembre prochain.
Concrètement, un copier/coller de la marque européenne sera inscrite sur le Registre des marques britanniques avec des dates de dépôt, priorité et/ou ancienneté identique, et des produits et services visés identiques, sans même modifier le nom du mandataire inscrit (qui ne sera donc pas forcément de nationalité britannique). Sur ce dernier point, un délai de trois ans à compter du 31 décembre 2020 (soit jusqu’au 31 décembre 2023) est laissé aux titulaires de marques pour désigner un conseil britannique en tant que mandataire.
S’agissant des marques internationales désignant l’UE, on ne va pas créer une nouvelle désignation individuelle mais un nouveau droit national britannique comparable à la désignation qui avait été faite au préalable via la marque dite internationale. En cas de désignation postérieure de l’Union Européenne, c’est la date de la désignation postérieure qui sera retenue comme nouvelle date de dépôt et qui sera prise en compte dans le calcul de la prochaine échéance.
Aucun nouveau certificat d’enregistrement ne sera envoyé mais il sera accessible sur le site de l’Office britannique.
Un nouveau numéro sera attribué par l’Office britannique qui sera attribué comme suit :
- Pour les anciennes marques européennes :
UK 009+numéro de dépôt de la marque UE
- Pour les anciennes marques internationales désignant l’UE :
UK 008+numéro de dépôt de la marque internationale
Si toutefois la migration sur le Registre britannique n’était pas souhaitée par un titulaire de marque, il sera possible d’en informer l’Office grâce à une notification type accessible sur son site.
Pour les marques en cours d’enregistrement au moment de la sortie, un délai de priorité de 9 mois s’ouvrira alors après l’Exit Day pour demander l’enregistrement de la marque auprès de l’Office britannique.
Pour les dessins et modèles, la solution est identique puisqu’un dessin et modèle britannique va être créé à l’identique pour tout dessin et modèle communautaire enregistré. Toutefois, pour les dessins ou modèles de l’Union européenne dont la publication a été différée, il sera considéré comme une demande en cours donc le délai de priorité de 9 mois s’appliquera.
Ø Sur les renouvellements des marques
Concernant les renouvellements des marques européennes ou internationales désignant l’UE, il ne faudra pas omettre de renouveler les nouvelles marques britanniques qui en découlent directement auprès de l’Office britannique.
Attention, ceci est également valable pour les marques européennes qui auraient été renouvelées avant la date de sortie mais dont la période de renouvellement possible court toujours. En effet, dans ce cas, il faudra également renouveler la marque britannique car elle aura été dupliquée et le renouvellement de la marque européenne n’emportera pas renouvellement de la marque britannique.
Quant aux renouvellements qui devraient avoir lieu après la sortie, l’Office britannique va envoyer des rappels aux titulaires de marques (ou aux mandataires inscrits). Si le rappel a lieu après la date d’échéance, un délai de grâce de 6 mois s’ouvrira avec une possibilité pour les titulaires de marques de renouveler après l’échéance, sans taxe de retard.
Enfin, s’agissant des marques européennes expirées 6 mois avant la date de sortie, le délai de grâce doit également être mis en place. Dans ce cas, il faudra rapporter la preuve du renouvellement de la marque européenne dans le délai de grâce à l’Office britannique afin qu’il puisse changer le statut de la marque « expirée » sur ses Registres. Si toutefois, la marque été radiée, la date de radiation prise en compte serait celle de la date de sortie.
Ø Sur les inscriptions sur les marques
Les inscriptions effectuées auprès de l’Office européen (EUIPO) ou auprès de l’Organisation mondiale (OMPI) pour les marques internationales désignant l’UE, ne seront pas automatiquement prises en compte par l’Office britannique (sauf pour les inscriptions déjà publiées).
Il faudra donc faire une inscription spécifique auprès de l’Office britannique pour que l’inscription soit prise en compte pour la nouvelle marque nationale britannique.
Attention donc à bien vérifier l’état de vos inscriptions afin de ne pas omettre de faire celles qui s’imposent au Royaume-Uni, faute d’opposabilité aux tiers.
Ø Sur les actions
Concernant les actions en cours (actions en nullité, déchéance, etc.), elles ne sont applicables au Royaume-Uni que si elles sont devenues définitives avant l’Exit Day. Aussi, si par exemple, une demande de transformation a été introduite à l’issue d’une décision de justice (ou de l’Office), elle ne sera applicable au Royaume-Uni que si elle a eu lieu avant la date de sortie.
En outre, les marques qui ont acquis une renommée en Union Européenne avant la date de sortie pourront toujours jouir de cette renommée au Royaume-Uni. Pour celles dont la renommée serait acquise avant la date de la fin de la période transitoire, elles pourront aussi bénéficier de cette renommée au Royaume-Uni jusqu’à la fin de la période transitoire mais, ensuite, il faudra prouver que la marque est bien notoire au Royaume-Uni afin de pouvoir continuer à bénéficier de ce statut.
Quant aux actions en déchéance, elles concernent les marques qui n’ont pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de 5 ans à compter de leur date d’enregistrement. Toutefois, si la période de 5 ans comprend une période antérieure à l’Exit Day, l’usage de la marque en Union Européenne devrait être pris en compte, qu’il concerne ou non le Royaume-Uni. Si cette période de 5 ans s’étend après l’Exit Day, la marque devra être utilisée au Royaume-Uni.
3. Quelles sont les mesures à prendre ?
La situation n’est donc pas si simple et il est important d’anticiper afin de ne pas se retrouver dépourvu de ses droits au Royaume-Uni du fait d’une mauvaise gestion alors que la règle est plutôt favorable aux titulaires de marques.
Les dates clés à retenir :
- Date de sortie à l’issue de la période transitoire : 31 décembre 2020 (Exit Day)
Attention cette date est prorogeable pendant 2 ans de sorte que les dates qui suivent pourraient évoluer
- Fin du délai de priorité de 9 mois : 31 septembre 2021
- Fin du délai pour inscrire un mandataire britannique : 31 décembre 2023
Nous vous encourageons donc vivement à vous rapprocher de notre cabinet afin de faire une analyse approfondie de votre portefeuille et envisager les mesures nécessaires auprès de l’Office britannique le cas échéant.
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